Compréhension et modélisation de phénomènes thermocinétiques et thermomécaniques dans les procédés de mise en œuvre
[G.Bernhart, F.Berthet, A.Cantarel, T.Cutard, O.De Almeida, G.Dusserre, P.Olivier]
Les travaux de recherche de cette thématique visent à améliorer la compréhension des phénomènes physico-chimiques et thermo-mécaniques gouvernant la mise en œuvre des composites afin d’optimiser les conditions de polymérisation/cristallisation/densification des matrices lors de la fabrication et la mise en œuvre des composites. Ces travaux se focalisent principalement sur les matrices destinées aux applications aéronautiques hautes performances, telles que les résines époxy de classe 180, les matrices thermostables PEEK et PPS, les systèmes cyanate-ester, les précurseurs céramiques et les matrices céramiques.
Les activités de recherche portent plus spécifiquement sur la caractérisation et la modélisation :
- - des cinétiques de polymérisation des matrices organiques (thermodurcissables et thermoplastiques) et pré-céramiques ;
- - des cinétiques de densification des matrices inorganiques ;
- - de la cristallisation des polymères thermoplastiques (morphologie et cinétique) et l’influence des renforts et charges sur la cristallisation.
- - des modifications physico-chimiques et thermo-mécaniques des matrices, des renforts et de l’interface fibre-matrice (ensimage) dans les procédés, ainsi que leurs impacts sur les propriétés des matériaux ;
- - des contraintes internes et leur conséquence sur la distorsion des pièces ;
- - des transformations physico-chimiques dans les composites à matrices céramiques et les céramiques hétérogènes lors de leur cycle thermique de stabilisation.
Quelques problématiques récemment étudiées...
L'utilisation de procédés de type voie liquide (RTM, LRI) pour l'élaboration de composites thermoplastiques est une des voies prometteuses pour pallier les limitations liées à la haute viscosité des polymères thermoplastiques.Pour cela, la matrice est obtenue par polymérisation in situ de son monomère de faible viscosité après l'imprégnation du renfort fibreux. Cette étude s'est focalisée sur le polyamide 6 (PA6) obtenu par polymérisation anionique par ouverture de cycle de l'ε-caprolactame. La particularité de cette synthèse réside dans le couplage entre la polymérisation des chaînes et leur cristallisation, qui sont des phénomènes tous deux thermodépendants, exothermiques et régissant la viscosité du milieu réactif. La caractérisation cinétique par DSC de ce couplage a permis une meilleure compréhension de l'interaction des phénomènes, en révélant notamment une cinétique de cristallisation particulière à basse température. Cette base de données, complétée par l'étude des propriétés physico-chimiques du PA6 synthétisé, a permis d'alimenter la modélisation des phénomènes. Un nouveau couplage a ainsi été proposé pour rendre compte de la dépendance de la cristallisation à la cinétique de polymérisation et a permis d'éditer des diagrammes Temps-Température-Transformation (TTT) de la synthèse du PA6. En vue de la mise en œuvre de composites thermoplastiques, la simulation du couplage thermocinétique avec un terme source a été réalisée afin de mesurer l'impact de ces phénomènes exothermiques sur les gradients thermiques et cinétiques dans l'épaisseur d'une pièce. Les cinétiques ont de plus été étudiées en présence de fibres de verre et en rhéologie. La présence de fibres engendre un ralentissement de la cinétique de synthèse et le comportement rhéocinétique révèle l'existence d'un point de gel. Ces observations restent à considérer pour simuler l'écoulement du système réactif dans un renfort. |
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Température des pics de polymérisation, cristallisation et fusion identifiés par calorimétrie différentielle lors de la synthèse de polyamide 6 en condition dynamique |
Diagramme Temps-Température-Transformation (polymérisation et cristallisation) de la synthèse isotherme du polyamide 6 |
Travaux de thèse de Saber Ayoub Chelaghma soutenus le 25 novembre 2018
La réduction du poids des avions est l’un des grands défis de l’industrie aérospatiale. Afin d’atteindre les objectifs ambitieux en matière de consommation de carburant et de réduction des émissions, des composites renforcés de fibres de carbone, ont été introduit sur le marché. Ces matériaux suscitent un intérêt croissant, néanmoins, ils possèdent de faible conductivité électrique, ne permettant pas de garantir une protection contre la foudre. Pour cette raison, les composites chargés de particules conductrices font l’objet d’activités de recherche en cours. L’objectif est le développement de composites multifonctionnels avec des propriétés électriques accrues. Pour l’heure, la matrice thermoplastique de référence est le PEEK mais ce polymère reste toutefois cher, et sa température d’élaboration élevée. Dans ce but, des matrices thermoplastiques, telles que le PEKK, sont à nouveau étudiées.
Entre la matière première et la pièce finale, la matrice thermoplastique subit plusieurs cycles de traitement à haute température (imprégnation, consolidation, procédés d’assemblage) au cours desquelles sa capacité à cristalliser évolue sans cesse. Afin d’évaluer l’impact du procédé et des constituants du composite sur les propriétés du composite, la cristallisation à fait l’objet d’une attention particulière. Deux dispositifs expérimentaux complémentaires ont été utilisés afin de caractériser la cristallisation : une platine chauffante, permettant d’appliquer un cycle thermique et d’observer la cristallisation en microscopie optique ainsi que la calorimétrie différentielle à balayage. L’influence des fibres de carbone et des particules conductrices sur la cinétique de cristallisation a été évaluée. Une diminution des temps de cristallisation a été observée à travers l’augmentation du taux de germination.
Les données recueillies ont servi à développer un modèle de cinétique de cristallisation identifié à travers une approche originale en se basant sur des données microscopiques et enthalpiques. Ce modèle permet de prédire les cinétiques de cristallisation des composites à matrice PEKK mais il ne permet pas de rendre compte de la microstructure finale engendrée. Or, cette dernière a un impact non négligeable sur les propriétés mécaniques comme cela a été prouvé à travers des essais de nano-indentation. Pour prévoir la microstructure finale, un modèle basé sur l’approche pixel coloring a été développé. L’influence des fibres de carbones a été introduite à travers la formation d’une phase transcristalline. Une bonne corrélation est constatée entre l’approche analytique, la simulation et les données expérimentales en termes de cinétique de cristallisation.
Des caractérisations mécaniques et électriques ont été effectuées afin d’évaluer les performances de ces nouveaux matériaux. Sur les matériaux étudiés, la réponse mécanique n’est pas homogène comme observé sur des essais de traction suivis en stéréo-corrélation. L’étude de la santé matière montre l’existence de défauts, en particulier, à l’échelle de la microstructure. Afin de prendre en compte ces particularités, il est ainsi nécessaire de décrire plus finement la microstructure. Pour cela, la tomographie à rayons X a été utilisée afin de caractériser le composite. Les récents développements de cette technique permettent, en combinaison avec des outils de segmentation, de reconstruire une géométrie représentative du matériau. Cette géométrie est utilisée pour simuler le comportement mécanique ainsi que la cristallisation. Les simulations numériques d’un VER sont capable de prédire les propriétés d’un pli, puis celles du stratifié. Cette modélisation multi-échelle pourrait réduire le nombre et le coût des campagnes expérimentales. Ainsi, déterminer les propriétés de la structure finale en se basant sur des caractérisations et simulation à l’échelle de la microstructure est un enjeu scientifique et industriel stratégique. Ce travail constitue une contribution vers cette approche.
Cristallisation du PEKK en présence d'une fibre de carbone: vue en microscopie optique (haut) et simulation (bas) à différents instants.
Travaux de thèse de Florian Boutenel (en cours)
Le frittage consiste à chauffer une poudre sans atteindre la fusion des matériaux constitutifs. Sous l’effet de la chaleur, les grains de poudre vont se souder entre eux, procurant ainsi une certaine cohésion à la structure. Autrement dit, le frittage permet de transformer un corps cru, résultat d’opérations de mise en œuvre ou de mise en forme, en une pièce utilisable.
Cette étude s’intéresse au frittage de poudres céramiques dans la perspective de l’élaboration de composites à matrice céramique oxyde/oxyde. Le cas du frittage d’un corps cru, composé d’alumine submicronique à 59%vol. et de silice colloïdale à 41%vol, est au centre de ces travaux. Ces proportions correspondent à celles du composé défini 3Al2O3.2SiO2, appelé mullite. Aussi, le fait d’utiliser des poudres céramiques de tailles différentes (les particules d’alumine sont 10 fois plus grandes que celles de silice) influence la réduction des énergies de surface opérée au cours du frittage.
La démarche mise en œuvre dans cette étude associe les résultats d’observations MEB, d’essais de dilatométrie, de mesures de porosité et d’analyses thermogravimétriques, thermodifférentielles et de diffraction de rayons X afin de caractériser la microstructure au cours de différents traitements thermiques dans le but de proposer un scénario de frittage. Aussi, dans la perspective d’une élaboration de composites à matrice céramique, les températures considérées ici sont inférieures à 1300°C pour ne pas dégrader les fibres d’alumine-α.
La température T = 1260°C forme une frontière par-delà laquelle deux microstructures peuvent être distinguées. À des températures inférieures, les deux matériaux existent sous forme granulaire. Cette structure est caractérisée par un faible retrait et par une porosité relativement importante. À des températures supérieures, l’alumine, sous forme granulaire, est immergée dans une phase vitreuse. La transformation morphologique de la silice permet un retrait plus important et une porosité plus faible.
En dessous de T = 1260°C, une structure purement granulaire est observable tandis qu’au-dessus de cette température, la silice a subi une transformation morphologique. [Observations MEB de la microstructure d’un compact de poudre alumine/silice après un traitement thermique de frittage à 1200°C (à gauche) et à 1300°C (à droite) pendant 1h]